En relisant Solage
Gilles Du lo n g
Λ Ë ormis quelques pièces anonymes, la plupart des compositions du
codex Chantilly comportent des noms d'auteurs mais rares sont ceux
sous lesquels ont parvient à rassembler plus d'une demi-douzaine de
chansons, même en tenant compte d'autres sources.1 À côté de Machaut, et
généralement après lui, une kyrielle de compositeurs de chansons françaises
du x iv e siècle ne sont plus connus que par la mention d'un nom associé à une
poignée de compositions, aux orthographes étranges et parfois myctérieuses :
Goscalch, Trebor, S. Uciredor, ... Solage, à l'invar de plusieurs autres, n'ect
nommé que dans ce codex. Avec les dix compositions qui portent son nom, il ect
l'auteur le mieux représenté du manuscrit où, privilège plutôt rare, une de ses
chansons ect même copiée deux fois.2
On sait pourtant fort peu de choses au sujet de Solage, sinon son lien très
probable avec la cour du duc de Berry au cours de la décennie 1380-90. Yolanda
Plumley a récemment émis de nouvelles hypothèses sur son identité ainsi que
sur les dates et les circonctances de composition de certaines chansons,3 mais sa
1 Je tiens à remercier Yolanda Plumley et Agathe Sultan d'avoir relu attentivement cet article,
qui doit beaucoup à leurs commentaires avisés.
2 Les dix chansons explicitement attribuées — sept ballades (B), deux virelais (V) et un ron
deau (R) — sont dans l'ordre d'apparition : Très gentil cuer (Ch 13 fol. 18, V, recopié en Ch 81,
50v), En l’amoureux vergier (Ch 17, fol. 20, B), Corps femenin (Ch 24, fol. 23v, B), S’aincy eâoit
(Ch 50, fol. 36, B), Le basile (Ch 79, fol. 49v, B), Calextone (Ch 80, fol. 50, B), Helas je voy
(Ch 95, fol. 57v, B), Pluseurs gens voy (Ch 96, fol. 58, B), Joyeux de cuer (Ch 97, fol. 58v, V) et
Fumeux fume (Ch 98, fol. 59, R). Comme on peut le voir, certaines pièces sont regroupées
dans le manuscrit. Sur cet ensemble, seule la ballade Pluseurs gens voy ect notée dans une
autre source (FP, fols i06v-i07), sans texte ni nom d'auteur. On ectime probable l'attribu
tion à Solage d'une ballade anonyme, Le mont Aon de Trace (Ch 22, fol. 22v) qui se trouve
aussi dans FP (fols i03v-i04). La plupart des compositions comprennent trois voix, sauf
Le basile, Helas je voy, Pluseurs gens voy et Joyeux de cuer, qui en comportent quatre, mais il
faut noter que pour Calextone et pour la seconde copie de Tres gentil cuer (fol. 50v), un tri
plum était prévu qui n'a pas été noté ; il ect possible que le scribe n'ait pas pu disposer de la
source d'après laquelle il pouvait les copier (voir l'introduction de Yolanda Plumley et Anne
Stone au facsimilé).
3 La contribution la plus récente à l'identification de Solage et à l'étude du contexte poé
tique et politique dans lequel certaines de ses chansons ont pu voir le jour ect l'article de
Y. Plumley, An “Episode in the South ?”Ars Subtilior and the Patronage of French Princes,
Early Music Hiâory, 22 (2003), pp. 103-168.