M. Odilon Barrot.—Le Roi. M. Barrot, M. Barrot! il vous faut M.
Barrot. Un brave homme, je le sais, mais un songe-creux qui voudra
me faire passer par je ne sais quelles réformes.—M. Thiers. Sire, cela
est inévitable. Le nom de M. Barrot est plus populaire que le mien,
et je ne puis pas m'en passer. Quant aux réformes, mon ami M.
Duvergier...—Le Roi, vivement. Ah! M. Duvergier!—M. Thiers. Mon
ami M. Duvergier, qui serait nécessairement un de mes collègues, a
présenté et défendu un projet de réformes qui, certes, n'a rien de
bien effrayant.—Le Roi. Ah! oui, ce projet qui augmente le nombre
des députés. Combien y en aurait-il de plus?—M. Thiers. 70 à 80.—
Le Roi. Et cela ne vous effraye pas? Comment vous tireriez-vous
d'affaire avec une Chambre aussi nombreuse? Au reste, cela vous
regarde. Pour conduire la Chambre, vous êtes passé maître. Mais ce
n'est pas tout, et M. Barrot voudra probablement les
incompatibilités? (En prononçant ce dernier mot, le Roi appuyait sur
chaque syllabe.)—M. Thiers. Le Roi n'a pas, je pense, d'objection à
M. de Rémusat.—Le Roi. Non, certainement.—M. Thiers. Eh bien, sur
la question des incompatibilités, nous sommes, M. de Rémusat et
moi, beaucoup plus engagés que M. Barrot.—Le Roi. Eh bien, va
pour les incompatibilités. Mais êtes-vous sûr que M. Barrot ne
demandera rien autre chose?—M. Thiers. Sire, il demandera, et je
demande avec lui la dissolution de la Chambre.—Le Roi, se levant
brusquement. La dissolution de la Chambre! Pour cela, je n'y
consens pas, je n'y consentirai jamais!—M. Thiers. Cependant, Sire...
—Le Roi. Je n'y consens pas, vous dis-je. Je vois bien où l'on veut en
venir. On veut renvoyer la Chambre parce qu'elle m'est dévouée.
C'est moi, moi seul qu'on attaque en elle. Ne me parlez pas de
dissolution!» M. Thiers insiste. «Non, vous dis-je, reprend le Roi, la
Chambre est bonne, excellente, je veux la garder, je la garderai... Au
surplus, pourquoi nous quereller là-dessus? Vous avez votre avis, j'ai
le mien. Demain, il sera temps de nous entendre. Aujourd'hui, j'ai
besoin de votre nom;... il me le faut;... et, quoi que vous fassiez, il
sera au Moniteur.—M. Thiers. Le Roi ne fera pas mentir le Moniteur.
—Le Roi. Non, mais le Moniteur dira que je vous ai appelé. Vous ai-
je appelé, oui ou non? Reste à savoir si vous voudrez qu'on dise que
vous avez refusé.—M. Thiers. Si la nécessité était moins pressante,